Comment lutter contre les discriminations à l’école ?

En octobre 2021, Dinah, âgée de 14 ans, avait mis fin à ses jours après avoir subi du harcèlement homophobe dans son collège. Sa mère considère que l’établissement n’a pas mesuré la gravité de la situation malgré ses alertes. Elle se bat pour une plus forte sensibilisation à l’école sur les sujets du harcèlement scolaire et des violences homophobes.

La position du gouvernement

Pendant la campagne présidentielle de 2022, dans une interview Brut, un internaute avait demandé à Emmanuel Macron : “Êtes-vous favorable à l’idée que les questions d’orientation sexuelle et d’identité de genre soient traitées au sein de l’école de la République et, si oui, à quel âge ?”.

Le président avait répondu:

“Je ne suis pas favorable à ce que ce soit traité à l’école primaire, je pense que c’est beaucoup trop tôt. Je suis sceptique sur le collège, mais ma position n’est pas arrêtée…”.

Une position conservatrice qui entretenait l’amalgame entre l’éducation sexuelle et l’orientation sexuelle. Il aura fallu une nouvelle victime pour que les lignes bougent. L’émotion suscitée par le suicide de Lucas, 13 ans, il y a quelques semaines pour des raisons similaires a poussé le ministre de l’Education Nationale à prendre position.

Il a ainsi affirmé dans Têtu vouloir «lancer une campagne forte de sensibilisation lors du 17 mai, journée internationale de lutte contre l’homophobie et la transphobie. Cette campagne sera axée sur l’accueil des élèves LGBT +.» et a reconnu que «nous devons aussi faire un effort dans les programmes, dans la manière dont les sociabilités scolaires se passent.».

Les textes officiels

En septembre 2013, sous l’impulsion de Najat Vallaud-Belkacem, un dispositif appelé “l’ABCD de l’égalité” avait été expérimenté dans plus de 600 classes. Cette expérimentation prévoyait ainsi la mise à disposition d’outils et de ressources pour « aider à la prise de conscience des préjugés (…) et transmettre à tous une culture de l’égalité entre les sexes ». Sous la pression de mouvements conservateurs comme “La Manif pour Tous” qui affirmaient que ce dispositif visait à “apprendre à se masturber” aux enfants dès la maternelle et à “détruire le modèle homosexuel de la famille”, l’expérimentation a pris fin en septembre 2014.

Que disent les textes officiels aujourd’hui sur la lutte contre les stéréotypes, les discriminations et le harcèlement ? Le socle commun de connaissances et de compétences inscrit dans les compétences sociales et civiques, le respect de soi et des autres (civilités, tolérance, refus des préjugés et des stéréotypes).

S’il n’est pas mention d’éducation morale et civique en cycle 1, à partir du cycle 2 et plus tard on retrouve dans les objets d’enseignement:

Le respect des adultes et des pairs. Le respect des autres dans leur diversité :

  • la conscience de la diversité des croyances et des convictions
  • les atteintes à la personne d’autrui (racisme, antisémitisme, sexisme, xénophobie, homophobie, handicap, harcèlement, etc.)

Cependant on peut se demander dans quelles mesures et par quels moyens ces apprentissages peuvent être mis en place en classe car les programmes ne donnent pas plus d’informations sur le sujet.

Lorsqu’elle est interrogée sur le sujet par Ouest France, Gabrielle Richard, sociologue du genre et chercheuse à l’Observatoire universitaire international éducation et prévention (OUIEP) de l’Université de Paris-Est Créteil, répond ainsi:

Il y a un grand décalage entre les propos du milieu éducatif et les actes. Tout le monde est d’accord sur le fait que l’école devrait être un lieu de bien-être mais quand il s’agit de mettre en place les conditions de cette inclusivité, les ressources ne sont pas au rendez-vous.”

Le dispositif pHare

PHare est un programme de lutte contre le harcèlement expérimenté depuis deux ans dans six académies puis étendu à l’ensemble des écoles et collèges depuis la rentrée 2022.

Le dispositif tourne autour de huit piliers:

Dans la pratique, le programme prévoit la formation de 5 personnels ressources par établissement du second degré ou par circonscription du premier degré. Tous les enseignants devront aussi prévoir dix heures d’apprentissage par an consacrées à la prévention du harcèlement et au développement de compétences psychosociales des élèves. Trois temps forts rythmeront l’année: la Journée nationale de lutte contre le harcèlement, le Prix Non au harcèlement et le Safer Internet Day. Une plateforme digitale dédiée a été créée afin de regrouper tous les contenus éducatifs et les outils de suivi pour les responsables d’établissements.

Il est encore tôt pour savoir si ce dispositif fera ses preuves. Tous les personnels de l’éducation nationale ayant acceptés de se former afin de devenir personnels ressources ou de participer à l’élaboration de projets dans leurs établissements l’ont fait en dehors du temps scolaire et à titre bénévole. Julien, professeur de SVT en collège et personnel ressource du dispositif témoigne ainsi:

“Comme c’est obligatoire les établissements s’y mettent. Puis c’est un sujet fédérateur, beaucoup de collègues s’investissent même si c’est du bénévolat parce que le harcèlement c’est une cause qui touche.”

Comment parler des discriminations à de jeunes enfants

A plus petite échelle, voici quelques ressources pour aborder le sujet des discriminations et du harcèlement avec des enfants d’élémentaire.

La plateforme Lumni de France TV, destinée aux enseignants, a réalisé un dossier sur le thème “Comment parler du racisme et de la discrimination aux enfants ?”. On y retrouve des vidéos courtes comme “Un jour une question” posant des questions simples comme “Qu’est ce que l’homophobie”, “Comment agir contre le racisme” ou “Pourquoi y-a-t il moins de filles qui font des études de sciences”.

Mais aussi des formats un peu plus longs et des jeux. Ces vidéos permettent par exemple de lancer des débats en classe et de donner matière à réflexion aux élèves. Ils donnent aussi des éléments de langage sur lesquels s’appuyer pour mener les débats.

Le site Unicef.org a de son côté réalisé un dossier, plutôt à destination des parents mais qui donnent des conseils utiles, sur le sujet “Comment parler de racisme aux enfants?”. Il rappelle que les enfants peuvent être exposer très tôt à des discriminations racistes et qu’ignorer le sujet ou le rendre tabou ne fait qu’aggraver la situation. Le site détaille les éléments de langage et les réponses appropriées en fonction de l’âge des enfants.

De même, le site EMCpartageons met gratuitement à disposition des enseignants des séquences clé en main sur différents sujets et notamment la lutte contre les stéréotypes et les discriminations.

S’il existe déjà un certain nombre de ressources pour le cycle 3 et dans une certaine mesure, le cycle 2, elles sont plus restreintes pour le cycle 1. Comment sensibiliser les enfants dès le plus jeune âge ?

Enseigner l’empathie

L’empathie est une qualité qui consiste à réussir à se mettre à la place de l’autre afin de le comprendre. Les enfants en sont dénués jusqu’à ce qu’ils développent cette capacité plus ou moins fortement et facilement entre 3 et 5ans. Contrairement aux idées reçues, l’empathie, comme toutes les capacités, s’entraine.

Dans certains pays d’Europe, comme au Danemark par exemple, les cours d’empathie sont devenus une clé de voute du climat scolaire. Tous les élèves danois suivent des cours d’empathie obligatoire pendant toute leur scolarité. C’est une culture scolaire qui favorise la coopération à la compétition, encore très présente dans le système éducatif français.

Par ailleurs, de nombreuses études successives ont prouvé que le développement des capacités cognitives (comme l’empathie) a un impact positif non seulement sur le climat scolaire mais aussi sur la réussite scolaire des élèves et sur le niveau de satisfaction des individus à l’âge adulte. Dans un webinair, Caroline Veltcheff, inspectrice d’académie, explique en quoi le développement de l’empathie améliore le débat scolaire.

Dès la maternelle, il est donc possible d’enseigner aux enfants comment vivre les uns avec les autres. Vous pouvez retrouver sur la WebTV de l’Académie de Versailles une vidéo réalisée par la DANE sur des actions qui permettraient aux élèves de mobiliser des émotions collectives: Enseigner l’empathie à l’école pour apprendre le sens de l’autre.

Sur son blog, Maitresse Aurel a aussi réalisé un dossier très complet sur l’enseignement de l’empathie à l’école: Eduquer à l’empathie.

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