L’interview décalée de Maitresse et Ecolo

L'interview décalée de Maitresse Écolo
Article : L’interview décalée de Maitresse Écolo

Pour cette deuxième édition de l’interview décalée nous rencontrons Maitresse et Ecolo, elle s’appelle Meghann et est enseignante et directrice en milieu rural depuis 2018.

Bonjour Meghann, en quelle classe enseignes-tu?

J’ai passé le concours en 2016 et j’ai ma classe depuis 2018. Je suis enseignante en CE2/CM1 et j’ai aussi la direction de ma toute petite école de deux classes dans un regroupement scolaire rural de quatre écoles. Dans mon école, on a des CE1/CE2 et des CE2/CM1. Sur Instagram, je suis Maitresse et écolo, j’essaye de partager mon quotidien et des petites astuces sur comment apporter un peu d’écologie à l’école.

Qu’est-ce qui t’a donné envie de montrer ton quotidien sur les réseaux ?

C’est juste l’envie de partager, c’est sans prétention. Je me suis rendue compte qu’il y avait une vraie communauté de partage, d’échange, je trouve qu’on apprend beaucoup et qu’on arrive à se former grâce à cette communauté là. Je trouve ça très chouette de pouvoir contribuer à mon échelle.

Quel est ton meilleur souvenir à l’école en tant qu’élève?

J’ai beaucoup réfléchi, j’avoue que je ne me souviens pas d’énormément de choses mais je me souviens surtout des projets qu’on a fait. Il y en a un qui m’a vraiment marqué, on avait étudié le film West Side Story quand j’étais en CM1 et après on avait fait un spectacle. C’était tout un grand projet, on avait étudié le film pendant plusieurs semaines, on avait fabriqué les costumes… C’est un des souvenirs les plus marquants que j’ai de l’école primaire. Je viens de la région parisienne, j’étais scolarisée dans une très grosse école en ZEP donc on avait beaucoup de moyens pour sortir, faire des activités culturelles à l’époque. J’ai eu la chance de faire plein de visites de châteaux, l’inauguration du Stade de France etc…

Et alors tu étais quel genre d’élève ?

Alors moi j’étais l’élève hyper scolaire, hyper sérieuse mais je bavardais beaucoup. J’avais une Maman très exigeante donc je n’avais pas le droit à l’erreur, il fallait que ce soit cadré, carré. Je devais être première de la classe.

Ah oui tu avais la pression ! Et est-ce que certains élèves te font parfois penser à toi élève ?

Oui, c’est toujours amusant. Je travaille dans un milieu plutôt très favorisé avec des familles qui sont derrière les élèves, qui sont très à l’écoute. Parfois c’est moi qui dois dire aux parents, “là on se calme” parce que je sais ce que ça fait de subir cette pression. Je vois des enfants qui sont parfois très stressés alors qu’ils n’ont que huit ans, j’essaye de remettre les enjeux à leur place. Ce n’est pas un exercice raté qui va changer leur vie. Avec l’expérience que j’ai eu j’arrive, je crois, à leur faire prendre conscience que tout ne va pas s’écrouler du jour au lendemain et à les faire relativiser.

Et toi, tu as une maitresse ou un maitre qui t’as marqué dans ta scolarité ?

Je crois que c’est ma maitresse de CP qui s’appelait Madame Toussaint qui avait eu mon frère et ma soeur avant moi donc il y avait déjà un lien avec ma famille et j’ai vraiment adoré mon année de CP. Je me rappelle aussi de ma maitresse de CM2 qui devait être en début de carrière quand je l’ai eue et qui avait été vraiment géniale. Elle avait déjà à cette époque là, il y a plus de vingt ans, une pédagogie assez moderne. On travaillait en atelier, en ilots, elle était très bienveillante.

Comme quoi parfois les parents craignent les enseignants débutants mais ce sont un peu des idées reçues…

Je ne sais pas vraiment quel âge elle avait exactement mais c’est vrai que dans l’école elle faisait partie des profs les plus jeunes et elle avait une manière de travailler qui changeait et était assez innovante pour l’époque.

De l’autre côté de la scène, quel est ton meilleur souvenir de maitresse, celui qui t’a marqué ?

Je crois que j’en ai beaucoup, ça arrive régulièrement. C’est plein de petits moments. Mais l’année où je débutais, j’étais stagiaire à mi-temps dans une classe et j’étais enceinte aussi. Au cours de l’année j’ai du quitter ma classe pour partir en congé maternité. Tous mes élèves étaient tristes de me voir partir. Quand j’ai passé le concours je ne m’attendais pas à être autant touché par des enfants. Ce n’était pas la seule fois mais c’était la première fois. 

C’est vrai que les enfants sont “nature-peinture” donc parfois tu t’en prends un peu plein la tronche mais ils sont tellement attachants dans leur façon d’être très honnêtes. Ils ont un rapport avec toi qui est innocent et doux. Tous ces moment là que tu arrives à fabriquer avec eux, les souvenirs, les moments un peu privilégiés, c’est précieux.

Parfois ils passent plus de temps avec nous qu’avec leur parents, t’es obligé de nouer quelque chose avec eux. Je pense que c’est aussi comme ça que tu crées une relation de confiance et qu’eux vont réussir à se faire confiance et à entrer dans les apprentissages. Le climat que tu vas instaurer fait beaucoup, même si parfois c’est super dur à mettre en place mais c’est essentiel.

A l’inverse, est-ce que tu as vécu des grands moments de solitude dans ta carrière ?

Ah oui ça, ça m’arrive tout le temps (rire) ! Mais le plus grand je crois que c’était il y a 5ans quand je suis arrivée dans mon école. On m’avait décrit l’école comme un milieu compliqué avec des élèves difficiles donc je me suis dit: “bon va falloir s’imposer”. Le premier jour de classe, en début de matinée, j’ai trébuché sur un cartable et je me suis étalée par terre dans la classe. Vraiment la crédibilité zéro. (rires) Bon ils ont été mignons, ils ont rigolé mais ils se sont fait du soucis pour moi. Mais après tu te dis bon c’est terminé. Ça tombe le premier jour, t’essayes d’asseoir ton autorité, tu ne laisses rien passer et bam tu te ramasses la première heure.

As-tu un moment de la journée que tu préfères ?

Le moment que j’aime bien, c’est le temps d’accueil. Je travaille dans une toute petite école, il y a 48 élèves donc le matin au portail on se connait tous, on se dit tous bonjour. Tu vois que les enfants sont contents d’être là, ils viennent te voir, raconter leur petites histoires. Bon parfois je ne comprends rien, j’ai un élève qui adore venir me raconter ses parties de jeu vidéo, donc je discute avec eux de ce qui les intéresse, j’aime vraiment ces petits moments.

Qu’est-ce que tu détestes enseigner ?

Alors c’est pas vraiment que je déteste mais c’est plutôt des matières dans lesquelles je ne suis pas à l’aise. La musique et l’EPS par exemple, ce n’est pas que je déteste mais je ne sais pas vraiment comment faire. Je ne sais pas jouer d’instrument, je n’y connais pas grand chose donc c’est compliqué de les intéresser. Maintenant, il faut faire trente minutes de sport par jour et ça me soule. Je ne sais pas comment m’y prendre.

C’est ça qui est dur dans le métier de prof des écoles, il faut être très polyvalent et intéresser les élèves à des choses qu’on ne sait pas faire soi-même ce n’est pas facile.

Non puis tu ne peux pas les faire courir tout le temps par exemple, il faut se renouveler, trouver de nouvelles idées. Surtout que je garde mes élèves deux ans donc il faut bien que je trouve de nouvelles activités parce que sinon les pauvres ! On essaye d’avoir des intervenants de temps en temps pour ouvrir un peu les activités. Je trouve que l’histoire ou la géo même si tu n’aimes pas trop tu peux trouver des très bons manuels. Mais en musique et en EPS je trouve ça vraiment très dur et la pratique n’est pas forcément qualitative.

Je ne sais pas si c’était ton premier métier mais qu’est-ce qui t’as donné envie de devenir maitresse ?

Non à l’origine j’ai fait des études dans la conservation du patrimoine, je voulais travailler là-dedans. J’ai suivi mon conjoint dans le Sud de la France. J’ai travaillé un moment au service valorisation de la Mairie de Nîmes mais c’est un secteur assez bouché. J’ai fait des études d’histoire et tous mes amis de fac sont partis travailler pour l’Education Nationale et moi je disais JAMAIS je deviendrai prof. Quand je travaillais à la Mairie, je faisais beaucoup les visites aux scolaires, les activités… Le côté transmission m’a beaucoup plu et je me suis dit pourquoi pas tenter le concours et je ne regrette pas.

Pourquoi professeur des écoles et pas professeur d’histoire ?

J’aurais adoré enseigner l’histoire mais pas à des collégiens et lycéens. La classe d’âge d’élémentaire m’attirait beaucoup plus. Et je n’avais pas envie d’enseigner la géographie parce que je n’aime pas ça.

Est-ce que tu as des chouchous ?

Ça on en a tous. Il y a toujours des élèves qui nous touchent plus que les autres. On ne peut pas le montrer évidemment et en parlant avec des amis, je vois que le cliché c’est de penser que ce sont les meilleurs élèves les préférés des profs. Mais ce n’est pas vrai. J’ai eu un élève qui est parti au collège maintenant, il était un peu enquiquinant, toujours à râler mais très gentil et vraiment touchant et attachant. C’est un des élèves qui m’a marquée et c’est pas facile de les gronder mais c’est très important de rester juste et équitable. Il y a certains élèves avec qui tu peux avoir plus de second degré qu’ils peuvent te rendre dans la limite du raisonnable, c’est ça que j’aime bien aussi.

Si aujourd’hui tu avais une baguette magique qu’est ce que tu changerais à l’école ?

Tout. (rires) Je suis pour: “on rase et on reconstruit”. Pour moi aujourd’hui le système est obsolète. L’école est fondée sur des bases de 1890 et avec la société d’aujourd’hui il y a un écart trop profond. On dit “on va réformer, on va réformer” mais on réforme rien du tout on ajoute des étages mais la base n’est plus bonne. Il y a une refonte à faire aussi bien sur les horaires des élèves, on demande à un enfant de trois ans de faire le même volume horaire (six heures) qu’un enfant de dix ans et c’est aberrant. La formation des enseignants aussi, il faudrait tout reprendre. Il faudrait plus d’intervenants dans les écoles car on ne peut pas être parfait en tout comme je le disais. Il faut tout changer. Recommencer et repartir sur une école qui est à l’image et au coeur de la société car ça aussi on l’a perdu. Il y a besoin de moyens humains, financiers, moins d’élèves dans les classes, plus d’enseignants plus de co-éducation.

Merci à Meghann pour son témoignage, vous pouvez la retrouver sur son compte Instagram et sur son blog.

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