Les dates limites d’inscription aux concours de recrutement de professeurs ont été reculées pour cause de manque d’inscrits. Selon les résultats du premier baromètre du bien-être publié par le ministère du travail le 19 octobre 2022, un enseignant sur deux déclare “un sentiment d’épuisement au travail élevé”.
Mais au lieu de se demander pourquoi plus personne n’a envie d’être prof, cette fois-ci nous avons demandé à des enseignants de primaire qu’est ce qu’ils souhaiteraient voir changer à l’école. Voici la liste de ce que les maitres et les maitresses voudraient pour Noël :
Une formation digne de ce nom
La formation pour devenir professeur des écoles est plus que légère. Là où au Canada, par exemple, elle dure 4 ans, en France, il suffit d’avoir un master et de réussir le concours de recrutement pour devenir enseignant. Certains aspirants professeurs suivent un master MEEF à l’INSPE mais tout le monde s’accorde à dire qu’il ne prépare pas à la réalité du terrain. Trop peu de stages, trop peu de mises en situations, trop peu d’accompagnement pas des enseignants eux-même en poste, la formation est théorique et décorrélée de la pratique réelle en classe.
Les enseignants débutants rencontrent souvent des difficultés pendant leur année de stage et ne sont que très peu accompagnés. On observe d’ailleurs un taux de démission grandissant chez les PE stagiaires.
Par ailleurs, tout au long de leur carrière, les enseignants assistent à des formations sur des sujets qu’ils n’ont pas choisi et qui ne correspondent pas vraiment à leur besoin. Ainsi Laurent, professeur des écoles et directeur depuis vingt ans trouvent que les formations proposées aux enseignants devraient :
“se rapprocher des besoins du terrain et mettre les vrais moyens pour former les enseignants sur les sujets utiles. On nous demande notre avis pour au final faire ce qu’ils avaient prévu depuis le début. C’est infantilisant”.
Par ailleurs Meghann, maitresse de CE2/CM1 raconte s’être formée par elle-même sur son temps personnel et avec ses moyens pour aider un de ses élèves disgraphique car l’Education Nationale ne propose aucune formation de ce type.
Des effectifs qui permettent une vraie différenciation des apprentissages
Depuis la rentrée 2018, les classe de CP et de CE1 sont dédoublées dans les écoles REP et REP+. Cependant si cette mesure a été accueillie très favorablement par le corps enseignant, elle cache aussi le fait que dans les autres établissements un grand nombre de classes sont fermées à cause du manque de personnels dans l’éducation nationale. C’est une mesure phare mais qui cache des effectifs montant jusqu’à plus de trente élèves par classe aussi bien en maternelle qu’en élémentaire.
Nicolas, professeur des écoles, liste ainsi la réduction des effectifs en élémentaire et surtout en maternelle comme une priorité pour pouvoir exercer son métier dans de bonnes conditions. La différenciation pédagogique est mise en avant comme nécessaire pour la meilleure réussite de chaque élève. Malheureusement il n’est pas possible de mettre en place de tels dispositifs dans des classes surchargées et souvent trop petites dans les grandes villes.
Un temps de classe repensé
En 2013, Vincent Peillon a tenté de réinstaurer la semaine de quatre jours et demi en laissant aux communes le choix des nouvelles horaires de classe. A son élection Emmanuel Macron a laissé les maires décider du retour ou non à quatre jours de classe par semaine. Le rythme scolaire fait toujours débat. La France est un des pays avec les plus longues journées de classe mais le moins de jours travaillés par année.
Ainsi certains enseignants défendent la réduction du nombre de semaines de vacances en échange de journée de classe plus courtes. Julia, professeur des écoles de CM2 à Paris dit ainsi “les vacances d’été sont trop longues, les élèves reviennent en ayant perdu toutes leurs habitudes de travail, c’est très long à la rentrée de tout réinstaller chaque année”. Un collègue de CP pointe aussi qu’”il y trop de vacances mais que les journées sont trop longues. En plus la pause méridienne dure souvent deux heures ce qui allonge encore plus la journée”.
Des moyens pour une vraie école inclusive
La loi de 2005 pour l’inclusivité scolaire prévoit que tous les élèves puissent être scolarisés en milieu scolaire ordinaire à proximité de leur domicile. Cette mesure à saluer n’a cependant pas été suivi des moyens nécessaires pour offrir de bonnes conditions de scolarisation mettant ainsi les élèves et les professeurs en difficultés. Il a été demandé aux enseignants de faire plus à moyens égaux. Nicolas, professeur des écoles dans le Nord réclame ainsi
“plus d’AESH, mieux formés et avec un meilleur statut afin que les délais d’attente soit réduits. Plus de places aussi dans les classes ULIS et les structures qui accompagnent les enfants en situation de handicap (SESSAD, CMP…)“.
Emilie, professeur en ULIS depuis trois ans témoignent que les moyens humains mis à sa disposition ne font que s’amenuiser d’année en année rendant la situation parfois délicate quand elle est seule et sans avoir été formée pour le poste qu’elle occupe. De même les RASED (réseau d’aide spécialisée aux enfants en difficultés) ont été réduits au minimum sous le gouvernement Sarkozy et sont aujourd’hui tellement débordés qu’ils ne peuvent offrir une aide qualitative à tous les élèves qui en auraient besoin.
Un salaire à la hauteur de leur investissement
Dans une étude de l’INSEE de 2010, les enseignants du premier degré déclaraient un temps de travail moyen de 44 heures par semaine. La moyenne montait même jusqu’à 52 heures par semaine pour les enseignants débutants. Malgré le dégel du point d’indice et les augmentations de salaire, qui ne toucheront pas tous les enseignants contrairement à ce que le gouvernement affirme, le salaire des enseignants reste en-dessous de la moyenne de l’OCDE.
En 1980, le salaire moyen d’un professeur était équivalent à 2,2 smic. En 2022, il correspond seulement à 1,14. Sur une période de quarante ans, il a donc été divisé par près de deux par rapport au salaire minimum, qu’il ne dépasse plus désormais que d’environ 15 %. Les enseignants s’accordent à dire que la stagnation des salaires participe grandement au déclassement de la profession qui n’est pas seulement un sentiment mais une réalité chiffrée.
Et vous, qu’est ce que vous souhaiteriez voir évoluer à l’école ?
Merci à tous les enseignants qui ont pris le temps de nous répondre.