Combien gagnent vraiment les profs ?

Combien gagnent vraiment les profs ?
Article : Combien gagnent vraiment les profs ?

Les annonces du gouvernement sur la hausse des salaires des profs se multiplient parfois sans calendrier ni montant et permettent d’entretenir un flou sur les revenus réels des enseignants et les augmentations à venir.

Il faut déjà comprendre que les “profs” ne sont pas une catégorie une et indivisible. Il existe différents statuts et donc différentes grilles de salaire. A ces différentes catégories s’ajoutent aussi les primes qui varient d’un catégorie à l’autre ainsi que la possibilité de faire des heures supplémentaires.

Combien gagnent les profs ?

  • Les professeurs des écoles

La première catégorie d’enseignants de la fonction publique sont ceux du premier degré. Ils enseignent de la Petite section (3ans) au CM2 (10ans). Ils doivent être titulaire d’un Master pour passer le concours de recrutement de professeur des écoles. Ils ont un temps de service (Heures devant élèves) de 24h par semaine auquel s’ajoutent 108h d’obligation de service (18h de formation, 36 heures d’activités pédagogiques complémentaires, 48h forfaitaires et 6h pour les conseils d’école). Obligations qui sous-estiment le temps de travail réel qui s’élève en moyenne à 44h par semaine pour les enseignants de primaire selon une étude de l’Insee pour le Ministère de l’Education Nationale en 2010.

Le salaire d’un enseignant stagiaire du premier degré est de 1571 euros nets par mois s’il est à mi-temps en classe et à mi-temps devant les élèves. S’il est à plein temps en classe, il est payé 1657 euros nets par mois.

 Lorsqu’il est titularisé, son salaire passe à 1924 euros nets par mois. Après 8ans et demi d’ancienneté il est de 1980 euros nets par mois. Au bout de 15 ans, il sera payé 2132 euros nets par mois puis 2660 euros nets par mois en fin de carrière (après 26 ans d’ancienneté) en classe normale.

Ces montants comprennent le salaire indiciaire de base, la prime informatique en début de carrière (156e par an) et de façon dégressive sur la carrière (24,5 euros par an à l’échelon 9) ainsi que l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves de 86 euros nets par mois, le dégel du point d’indice et la prime d’attractivité qui va de 156e nets par mois à l’échelon 2 jusqu’à 24,5e nets par mois à l’échelon 9. On voit donc une nette pénalisation des enseignants expérimentés ou en fin de carrière.

Les professeurs des écoles travaillant en REP er REP+ touchent une prime allant de 1482 à 4371 euros nets par an.

  • Les professeurs certifiés

Les professeurs certifiés sont les professeurs du second degré titulaires du CAPES. Ils enseignent de la 6ème à la Terminale. Ils doivent être titulaires d’un master pour passer le CAPES. Leur obligation de service est de 18h avec exception des profs d’EPS qui ont une obligation de service de 20h et des prof documentalistes qui ont une obligation de service de 30h pour les profs documentalistes. La grille de salaire des enseignants certifiés est exactement la même que celle des enseignants du premier degré.

Les enseignants certifiés touchent les mêmes primes que les profs du premier degré auxquelles peuvent s’ajouter la prime de professeur principal (entre 66 et 105 euros nets par mois) et les heures supplémentaires (sans limitation de nombre d’heures) payées entre 76 et 112 euros nets par mois pour une heure supplémentaire par semaine. Les heures supplémentaires sont la principale explication des disparités de salaire entre le premier et le second degré.

Le temps de travail réel des professeurs du second degré s’élève en moyenne à 40h par semaine selon une étude de l’Insee pour le Ministère de l’Education Nationale en 2010.

  • Les professeurs agrégés

Les professeurs agrégés sont les professeurs du second degré titulaires d’une agrégation. Ils enseignent de la 6ème aux classes préparatoires. Ils doivent être titulaire d’un master pour passer l’agrégation. Leur obligation de service est de 15 heures par semaine et 17h pour les professeurs d’EPS.

Les enseignants agrégés stagiaires à plein temps gagnent 1806 euros nets par mois, 2148 après titularisation puis 2381 euros nets par mois après 8 ans et demi. Au bout de quinze ans, 2517 euros nets par an et 3269 euros nets par mois en fin de carrière en classe normale. Ce à quoi peuvent s’ajouter les heures supplémentaires payées entre 143 euros et 257 euros bruts par mois pour une heure supplémentaire par semaine.

Le rapport de l’OCDE “Regards sur l’Education” publié en 2022 montre que les enseignants français gagnent en moyenne 23 % de moins que la moyenne de l’OCDE dans le premier degré, 19% de moins au collège et 23,5% de moins au lycée.

Les annonces d’Emmanuel Macron et Pap Ndiaye

Lors du débat d’entre deux-tours des élections présidentielles, le président sortant de la République en Marche a affirmé face à sa concurrente d’extrême droite qu’il augmenterait les salaires de tous les enseignants de 10% sans aucune contrepartie. Il a aussi annoncé plus aucun démarrage de carrière sous 2000 euros. Dans la logique de son “pacte enseignant”, certains pourraient voir en plus leur salaire augmenter de jusqu’à 20 % s’ils acceptaient de nouvelles missions. Ces annonces ont été reprises fin août par Emmanuel Macron lors du discours de rentrée aux recteurs puis par le ministre Pap Ndiaye en septembre.

Une enveloppe de 935 millions d’euros est prévue dans le budget 2023 pour augmenter les enseignants notamment, pour près de la moitié de l’enveloppe, dans le cadre du dégel du point d’indice. Mais en dehors du dégel du point d’indice, qui est plus une mesure de rattrapage qu’une réelle augmentation puisque le point d’indice des fonctionnaires etait gelé depuis de nombreuses années, les hausses de salaires annoncées restent vagues.

Elles devraient être mises en place à partir de janvier 2023, les enseignants néo-titulaires devraient voir leur salaire augmenter à 2000 euros. Est-ce un chiffre avec les indemnités ou sans ? Nets ou bruts ? Quel impact sur la suite de carrière ? Comment les échelons suivants seront augmentés ? Car rappelons le, aujourd’hui un stagiaire démarre à 1924e nets par mois avec les indemnités et un enseignant de premier degré avec huit ans d’ancienneté ne gagne pas plus de 2000 euros par mois. 

Ainsi, même si le budget de l’éducation n’a pas été débattu puisque la première ministre Elisabeth Borne a déclenchée un quatrième 49.3 afin de le faire adopter à l’Assemblée, l’utilisation de cette enveloppe reste encore floue. On ne sait pas si les augmentations précédentes issues du Grenelle de l’éducation seront comptabilisées dans les fameux “dix pour cent d’augmentation pour tous les profs” rabâchés par le gouvernement. Il s’avère que ces augmentations devraient en réalité être une moyenne plus qu’une augmentation générale puisque les augmentations concerneraient surtout les débuts et “milieu” de carrière (jusqu’à dix ans d’ancienneté) mais très peu les fins de carrière.

Par ailleurs les conditions du “pacte” restent aussi en suspend. Le ministre de l’Education Nationale avait ainsi indiqué au micro de RTL que les enseignants pourraient gagner plus en surveillant les récréations. Tâches que remplissent déjà les enseignants du premier degré par exemple, n’ouvrant aucune possibilité d’augmentation pour eux. On peut douter que tous les enseignants du premier degré seront augmenter en conséquence.

Beaucoup d’effets d’annonce qui laissent des zones floues et montrent que jusqu’au sommet de l’état, il persiste une méconnaissance du quotidien et des tâches qui incombent aux professeurs. Si la France veut redonner un élan à son enseignement public, elle va devoir faire plus pour rattraper le retard dans la rémunération des profs qu’elle a accumulé par rapport aux autres pays de l’OCDE.

Sources:

Le Monde: Les doutes persistent sur l’augmentation des salaires des enseignants

Educ.gouv: La rémunération des enseignants

Educ.gouv: Les enseignants du premier degré déclarent 44h de travail par semaine en moyenne

Educ.gou: Projet de loi finances 2023

BFM TV: Rentrée scolaire: les annonces de Macron

Le Parisien: Salaire des enseignants, le ministère promet “une revalorisation historique”

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