Le jeudi 12 mars 2020, le président de la République annonçait la fermeture des écoles à partir du lundi suivant dans le cadre de la crise sanitaire liée à l’épidémie du COVID 19.
Pendant ce qu’il sera communément appelé “le premier confinement”, tous les élèves de France sont restés chez eux pendant de longues semaines. Tous les enseignants ont alors dû s’organiser afin de mettre en place une continuité pédagogique. Défi de taille d’une part parce que rien n’était prévu à cet effet, les enseignants n’ayant que leur matériel personnel et d’autre part car les équipements informatiques des familles se limitaient parfois à un téléphone portable. Certains ont redoublé d’ingéniosité afin de proposer à leurs élèves des contenus appropriés à la situation. Chacun s’est adapté à la hauteur de ses compétences en la matière.
Les pratiques numériques pendant le confinement
À situation exceptionnelle, pratiques exceptionnelles. Les outils prévus par le gouvernement n’ayant pas vraiment été à la hauteur des enjeux (plateformes surchargées, serveurs en carafe, “cyberattaque”), les professeurs de tous les niveaux ont fait avec les moyens du bord. Cette situation inédite a donc démocratisé certains outils. L’utilisation des plateformes de partage comme Padlet a ainsi explosé. Elles ont permises à de nombreux enseignants d’organiser les ressources pédagogiques de tous types (audio, vidéo, texte…) qu’ils souhaitaient mettre à disposition des parents et des élèves.
Stéphanie témoigne ainsi de son utilisation nouvelle de la vidéo:
“À l’époque du confinement, j’avais quatre classes différentes (une par jour de la semaine) : CE1-CE2, deux CP-CE1-CE2 et PS-MS-GS. J’ai pas mal utilisé la vidéo : soit des vidéos existantes de leçons ou de lectures d’histoires, soit des vidéos faites par moi-même (essentiellement des lectures d’histoires)”
Par ailleurs, les outils purement pédagogiques comme Lalilo (lecture) ou Tacit (maths) par exemple ont permis aux élèves de travailler en autonomie de chez eux quand ils avaient le matériel adéquat. Certains enseignants ont découvert et commencé à utiliser ces outils numériques à cette occasion.
Mais le plus gros “boom” a concerné les outils de communication avec les parents comme les ENT ou les applications comme Klassly. Ils ont vu leur nombre d’utilisateurs bondir. Notre application est par exemple passée de 400.000 utilisateurs à plus d’un million après le premier confinement.
Mais ces pratiques ont-elles perduré dans le temps lorsque les écoles ont rouvertes ?
Des usages qui s’inscrivent dans la durée
Si certains enseignants ne relèvent aucune évolution dans leur pratique, beaucoup affirment avoir continué à passer par des canaux numériques pour communiquer avec les parents. En effet, pendant l’année scolaire 2021/2022, les enseignants français ont subi des protocoles COVID nombreux et compliqués. L’instantanéité que permettent les moyens de communication numériques ont ainsi permis aux directeurs et directrices et aux enseignants de communiquer facilement et rapidement auprès des parents.
Etienne, enseignant référent des usages du numérique, affirme ainsi qu’il y a encore ce jour une accélération des utilisations des clouds (padlet, ENT) pour partager des documents vers l’extérieur. De même les moyens de communication numériques sont aujourd’hui les plus utilisés dans sa circonscription. Il dit aussi:
“Les fondamentaux de l’informatique tel que l’apprentissage du traitement de texte revient en force. L’utilisation d’outils ou appareils comme bookinou ou les visualiseurs enregistreurs Sony sont en forte progression. Quant à l’usage proprement dit du Numérique dans l’apprentissage c’est très variable en fonction des collègues. Ces derniers temps on voit aussi arriver en force l’utilisation de Genialy et Canva, que nous utilisons en formation et qui inspirent les collègues pour présenter vers les élèves.”
Julien, enseignant de CM, affirme ainsi que les outils mis en place pendant le confinement sont restés et facilitent le travail actuel notamment en termes de mise à disposition des ressources et des supports utilisés en classe. Une collègue renchérit qu’elle essaye de rendre ses élèves le plus autonome possible au cas où la situation se reproduirait. Par exemple, lorsque qu’elle utilise des outils numériques en classe comme Lalilo, elles laissent les élèves, chercher le site, se connecter seuls afin qu’ils puissent le refaire à la maison sans aide si nécessaire.
De même pour Maria, enseignante en élémentaire à l’étranger, qui affirme:
“Oui, le confinement et l’enseignement en ligne, (2.5 ans pour ma part, je travaille à l’étranger, en classe de CP) ont largement fait évoluer mon utilisation du numérique en classe : je continue d’utiliser un ENT, et j’utilise certaines app beaucoup plus régulièrement notamment pour que les enfants puissent accéder à des enregistrements ou pour qu’ils puissent eux-mêmes s’enregistrer. (poésies, lectures, productions de phrases…).”
De même dans le secondaire, Damien, professeur de SVT témoigne que le confinement a fait évoluer son enseignement de deux manières. Enseignant en Lycée 4.0, chacun de ses élèves a été équipé avec un ordinateur.
Il explique d’abord que depuis le confinement, ses élèves ont la possibilité de récupérer tous les documents et supports utilisés en cours sur l’ENT. Cela lui permet d’utiliser le temps en classe autrement, il explique :
“Je prends beaucoup plus de temps pour l’oral et les échanges oraux entre les élèves et moi en classe parce que je fais un cahier de texte en ligne ultra complet où les élèves peuvent retrouver le bilan, les activités et toutes les corrections des activités ou des exercices. Les élèves sont moins stressés parce qu’ils savent que tout le cours est en ligne.”
Il ajoute aussi que lorsque qu’il a une absence programmée maintenant il met la séance en ligne et les élèves ont la possibilité de la réaliser chez eux ou en permanence. Il récupère ensuite les travaux réalisés pour les corriger. Avant la séance sautait tout simplement.
Un manque de matériel
Cependant, certains enseignants ont abandonné leur pratiques numériques en classe car ils n’en voient pas forcément l’utilité. Stéphanie, aujourd’hui enseignante en maternelle, dit:
“En classe, j’utilise peu la video / l’ordinateur. Je pars du principe que les enfants sont beaucoup sur les écrans d’après ce qu’ils me racontent de leur vécu à la maison et je n’ai pas envie d’en rajouter alors que je peux faire autrement en classe.”
D’autres se voient surtout confrontés à un manque de matériel qui ne leur permet pas de mettre en place toutes les activités qu’ils souhaiteraient. Stéphanie reconnait ainsi que le manque de matériel participe aussi au fait qu’elle n’utilise pas le numérique en classe:
“Il m’arrive de leur faire faire un jeu sur ordinateur mais c’est très rare parce qu’ils sont nombreux à faire passer et à accompagner individuellement et je n’ai qu’un ordinateur.”
De même Élise, professeur spécialisé reconnait qu’elle aimerait faire autrement mais que ce n’est pas forcément possible:
“Le confinement ça a changé les “envies de”, qui sont plus prégnantes, mais comme l’équipement n’a pas évolué, il n’y a pas moyen en classe (VP + l’ordi portable prof, c’est tout). La communication avec les parents passent plus par le mail oui, mais depuis un an, ils ne les lisent plus.”
Le confinement et le plan de relance qui a suivi a créé une impulsion dans les établissements et les mairies afin d’accélérer l’équipement des classes. Cependant beaucoup d’établissements, notamment du premier degré ne sont aujourd’hui pas correctement équipés pour permettre aux enseignants d’utiliser le foisonnement de ressources numériques mises à leur disposition.
Dans la capitale par exemple, les classes d’école primaire équipées de tableaux numériques et de rétroprojecteurs ne sont pas majoritaires et de nombreux enseignants doivent se contenter de tableaux noirs et de craies…
Et vous, le confinement a-t-il fait évoluer vos pratiques numériques en classe ?